Dans votre appartement parisien
Que faisiez-vous le 11 septembre 2001, Quand nos tours jumelles se paraissent effondrees a New York ? Ou etiez-vous la nuit du 13 novembre 2015, si Paris et Saint-Denis etaient vises via des attentats terroristes les plus meurtriers de son historie contemporaine ? Nous avons tous des souvenirs – plus ou moins nets – de ces evenements. Francis Eustache, chercheur en neuropsychologie et president du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des memoires, a explique a Liberation les ressorts de ces mecanismes psychologiques.
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Comment expliquer la force de nos souvenirs lors de ces evenements traumatiques et fondateurs ?
Plusieurs evenements nous surprennent. Par leur aspect tres demonstratif, spectaculaire, puis par un violence. L’effondrement des tours jumelles le 11 septembre 2001 comme nos attentats du 13 novembre 2015 a Paris nous ont terrasses. Nous etions comme statufies. Lorsqu’on ressent une emotion aussi forte, on percoit immediatement les consequences de ces tragedies pour soi puis plus largement concernant les societes dans lesquelles on vit. On sait qu’il y aura des consequences concretes sur notre monde. Plusieurs souvenirs particuliers se forment a votre moment-la. Ils sont divers de ceux qu’on pourrait avoir d’une tragedie individuelle comme le deces d’un proche. Ici, le souvenir est lie a J’ai consequence sociale de l’evenement. Dans une jargon, on parle de «souvenirs flashs». Dans le cadre d’un programme de recherche sur le 13 Novembre dont j’suis coresponsable avec l’historien Denis Peschanski, nous avons mene une enquete avec le Credoc [Centre de recherche pour l’etude et l’observation des conditions de vie, un organisme d’etudes et de recherche, ndlr]. Sept mois apres nos attentats, 97 % des Francais ont eu un souvenir flash de cette fi?te.
Que se passe-t-il dans des tetes pour que ces instants-la y soient, souvent, si profondement graves ?
Ca est en mesure de paraitre curieux mais des fois, ces souvenirs seront tres derisoires. On peut se rappeler que le soir du 13 Novembre, on etait en train d’eplucher des legumes dans sa cuisine i l’instant ou l’on a appris que des attaques se deroulaient a Paris. On se devoile que ca n’a aucun sens d’avoir memorise votre tel detail ! Mais et cela donne sa propre force a votre souvenir, c’est le contexte. Le fait qu’on soit tres sur de nous quant a toutes les circonstances [marquees par un evenement monstre, ndlr] agit tel un abus de pouvoir : on est certain du contexte donc on est sur qu’on a memorise ce qui a ce moment-la. Pour autant, comme c’est le cas Afin de tous nos souvenirs, le souvenir flash va evoluer et se modifier au fil du temps. Il semble aussi tres ambigu, ambivalent : il va i?tre capable de nous Realiser croire que tel on connait reellement bien le contexte, on se souvient de l’ensemble de nos moments individuels autour, aussi nos plus insignifiants.
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Il faudra malgre bien differencier le souvenir flash d’individus eloignees de l’evenement, meme si elles seront concernees, du souvenir des individus en direct touchees, qui, elles, sont victimes. Leurs souvenirs sont alors de l’ordre du psychotraumatisme. Le fonctionnement une memoire n’est plus le aussi : on se souvient avec bribes d’odeurs, de sons, d’images, qu’on ne relie plus au contexte.
Quel role jouent ces souvenirs flash dans la construction une memoire collective ?
La memoire collective n’est pas la somme de l’integralite des memoires individuelles. Pour autant, ces souvenirs flashs lui donnent une assise considerable. L’ensemble de ces individus echangent entre eux, parlent de leurs souvenirs, et cela renforce l’importance de l’evenement dans nos memoires. Si l’on a vu les tours s’effondrer, on ne soupconnait pas encore vraiment l’ensemble des enjeux geopolitiques derrieres. Ces connaissances-la nourrissent une memoire. Plus moyen avance, plus on apprend des nouveaux elements sur le contexte de l’evenement. Plus on a d’images nouvelles au milieu des commemorations, les anniversaires… Ces evenements collectifs nourrissent aussi notre memoire. Ce seront des mecanismes lies.